Marées de la mémoire : L'art de Theresa Passarello
La fascination de Theresa Passarello pour la mémoire a commencé par hasard avec une grille de mots croisés. L'indice, « une partie manquante », l'a conduite au mot « lacune ». Peu familiarisée avec ce terme, elle a découvert le concept des palimpsestes littéraires, d'anciens manuscrits écrits sur du vélin, effacés et réutilisés. « La superposition d'écrits fragmentés m'a fait penser à la mémoire : comment les souvenirs vont et viennent avec des états de clarté variables, avec des lacunes et des parties manquantes », explique-t-elle. Cette idée est devenue particulièrement poignante lorsqu'on a diagnostiqué la maladie d'Alzheimer chez son beau-père, soulignant ainsi la fragilité et la préciosité de la mémoire.
Née aux Bahamas, Passarello a passé ses premières années au bord de l'océan, ce qui lui a permis de développer une attirance pour l'eau tout au long de sa vie. « Je suis attirée par l'imagerie de l'eau et j'aime le fait qu'elle puisse être utilisée comme un espace abstrait », explique-t-elle. Cette dualité entre la mémoire et l'eau constitue la pierre angulaire de sa pratique artistique, lui permettant d'explorer des thèmes complexes par le biais d'un médium à la fois fluide et insaisissable. Son parcours artistique est tissé d'expériences personnelles, d'expertise technique et de curiosité pour la condition humaine, créant un dialogue nuancé qui résonne profondément avec les spectateurs.
L'une des séries les plus significatives de Passarello est « Blank Space, Gap or Missing Part ». Cette série de textes sur Mylar a marqué le début de son exploration artistique des palimpsestes littéraires. « J'ai créé un puzzle obscur/obscur : un refrain de mots bégayés au pochoir, répétés, effacés sur un fond d'espaces et de lacunes pleins et vides », décrit-elle. Ce jeu de présence et d'absence est devenu une puissante métaphore de la nature fragmentée du paysage de l'esprit.
Pour équilibrer les aspects conceptuels et techniques de son travail, Mme Passarello adopte une approche souple. « J'essaie de ne pas trop m'attacher à mon idée initiale de l'aspect final de la peinture et de rester présente dans le processus », explique-t-elle. Sa formation d'ingénieur et d'artiste lui permet de fusionner structure et créativité, ce qui se traduit par des œuvres méticuleusement élaborées et intuitivement expressives. Des artistes comme Carol Wainio, Peter Doig et Betty Goodwin l'ont beaucoup influencée. « Betty Goodwin m'a initiée au travail sur Mylar et j'ai été attirée par sa série Vest... l'idée que les objets gardent la mémoire de ceux qui les ont utilisés ».
Passarello a quelques rituels qui l'aident à rester présente lorsqu'elle se faufile dans les marées de la mémoire dans ses œuvres d'art. Commencer sa pratique en studio par une brève méditation et écouter de la musique - en ce moment, elle est obsédée par Maggie Rogers - lui permet de garder les pieds sur terre et de rester inspirée. Lorsqu'elle est confrontée à des blocages créatifs, Passarello se tourne vers la course à pied, qui l'aide à surmonter les difficultés et à trouver des solutions.
Pour Theresa, la communauté et la persévérance ont été essentielles à son développement artistique. « Je suis quelqu'un qui ne prend confiance qu'en faisant de petits pas et en travaillant », explique-t-elle. Elle a notamment participé à des expositions collectives avec jury, pris des photos professionnelles de ses œuvres, élaboré une déclaration d'artiste solide et constitué un solide portfolio. Elle apprécie le soutien de son salon des artistes, un groupe de collègues artistes qui lui apportent des perspectives nouvelles et des commentaires constructifs. « L'art a la capacité de relier les gens aux autres et à eux-mêmes ; il y a une véritable intimité dans l'art, qu'il s'agisse de le créer ou de le regarder.
À l'avenir, Mme Passarello explore de nouveaux thèmes et de nouvelles techniques, notamment une série autour de l'hydrodictyon et de la maternité. « L'hydrodictyon, ou filet d'eau, est une algue qui protège les petites créatures aquatiques des prédateurs tout en leur permettant de passer », explique-t-elle. Elle a été inspirée par la comparaison faite par Robin Wall Kimmerer entre l'hydrodictyon et le maternage dans son livre « Braiding Sweetgrass » : « Un filet de fils vivants pour encercler avec amour ce qu'il ne peut pas contenir, ce qui finira par le traverser. En tant que mère de trois enfants adultes, Passarello est en résonance avec ce concept. « J'ai tracé les trous de la couverture crochetée bien-aimée de l'un de mes enfants pour reproduire l'hydrodictyon et m'amuser avec cette notion », explique-t-elle.
L'art de Theresa Passarello témoigne du pouvoir de la mémoire, du langage et du monde naturel. Lorsqu'on lui demande quel sentiment essentiel elle espère capturer dans son travail, Theresa Passarello cite Robert Motherwell : « Qu'est-ce qui pourrait être vraiment plus intéressant ou, en fin de compte, plus extatique que ces rares moments où vous voyez une autre personne regarder quelque chose que vous avez fait et réaliser qu'elle l'a exactement compris, que votre cœur a sauté dans leur cœur, sans rien entre les deux ? ».